Vendredi Saint,  Jonathan est descendu à Cité Soleil après un an d’absence. Une année remplie de conflits violents qui nous ont empêchés de revenir. La situation n’a pas changé et s’est encore aggravée ces derniers mois. Les familles qui pouvaient se le permettre ont quitté la région. Il reste ceux qui n’ont pas le choix et qui survivent au milieu des guerres entre gangs. Malgré la situation, Jonathan sentait depuis un certain temps que Dieu le poussait à descendre prêcher l’évangile et prier pour les malades, mais attendait que Dieu parle à Flore qui était assez catégorique sur le fait que c’était trop risqué.
Puis un soir, Dieu a parlé, une vision, une parole et tout est devenu clair.

Vendredi Saint, le jour où il a donné sa propre vie pour en sauver beaucoup, quelle belle journée pour descendre à Cité Soleil annoncer cette bonne nouvelle. Ce jour-là, je suis descendu avec un Tap-Tap (transport en commun haïtien) pour ne pas être remarqué. Nous avons dû passer une zone ennemie où les gangs peuvent arrêter les voitures, fouiller et braquer les passants, puis traverser un « no man’s land » où les deux camps se font face. Enfin une rivière qui est souvent la cible de tirs. J’avais un trou dans l’estomac en voyant les routes qui se sont détériorées, les sacs de sable empilés comme barrières pour les gangs, le poste de police incendié, les hommes se déplaçant sur les routes avec des mitrailleuses.

Arrivé dans notre région, je suis soulagé. Des enfants me courent dessus heureux de me revoir après si longtemps. Des visages s’illuminent, des gens me saluent, je suis de retour à la maison. Malheureusement les chefs de gangs n’y réfléchissent pas tellement et c’est au milieu de grandes discussions, de conflits et d’armes prêtes à tirer qu’il a fallu trouver un accord.
Merci Seigneur pour ta sagesse et pour les hommes de paix que tu as placés à Cité Soleil.

Je me promène dans les petites ruelles pour rendre visite aux familles. Je m’arrête dans leur maison pour la plupart à une seule pièce et prends le temps de lire la Bible avec eux, de prier et de les inviter à notre distribution de nourriture. Je vois Jo, un vieil ami, les yeux remplis de larmes, nous pouvons enfin nous serrer dans nos bras. Je vois aussi la souffrance, le désespoir, mais quoi de mieux qu’un Vendredi Saint pour apporter l’espoir, Jésus, le Ressuscité, celui qui a vaincu la mort et qui est victorieux.

Nous distribuons un sac avec toute la nourriture nécessaire au traditionnel repas de Pâques. Carottes, betteraves, riz, haricots et poisson. Un sac va nourrir environ 5-7 personnes et nous en distribuons plus de 100. Lors de la distribution, les gens viennent par groupe de 10 pendant que je prends le temps de lire la Bible et de prier. Je les encourage à persévérer et à garder espoir en Jésus. Après la distribution de nourriture, nous invitons les enfants chez nous. Je leur lis l’histoire de Pâques et nous prenons le temps de prier ensemble. Ensuite, nous leur donnons un jus, une collation et une mangue fraîche de notre jardin. La nuit tombe bientôt et nous devons partir car la route est plus dangereuse la nuit.

C’est de retour au fond de notre tap tap que nous approchons de l’aéroport, enfin dans un quartier plus calme. Je prends mon téléphone, j’appelle Flore. Tout s’est bien passé, je suis de retour. Quelle journée émouvante. Deux semaines plus tard, la guerre a recommencé, les écoles sont fermées, je sais que Dieu avait tout prévu. Il a ouvert un chemin, un moment et j’ai choisi d’obéir.